On a vu dans l’épisode précédent que les moines bourguignons ont tenté à l’aide de plusieurs écrits, de conserver chez eux le pèlerinage de la Madeleine. Ils ont commis une troisième version pour expliquer « urbi et orbi » la présence des reliques de la Sainte dans leur monastère.
Dans cette variante, on n’a pas hésité à remplacer l’évêque d’Autun, Augier, par Girart, en remettant en selle le moine Badilon. On en est là !
Il y a de l’adversité, tous les coups (ou presque) sont permis, mais malgré cela, ils n’ont pas dit leur dernier mot : place maintenant aux coup de théâtre et coup de génie !.
Cette troisième édition – revue et corrigée à la sauce bourguignonne – est de loin, la plus complète, la plus aboutie, la plus développée. Mais elle est surtout la plus diffusée, ce qui politiquement est le but recherché.
Il n’en demeure pas moins, comme le souligne René Louis, que ce nouveau récit est truffé de confusions et d’anachronismes qui, aux yeux de la critique moderne réduisent à néant toute sa crédibilité.
Etrangement, ce nouveau changement de version ne provoque pas de vive réaction de la part des moines provençaux de Saint-Maximin. Et sans s’opposer catégoriquement à la légende de Badilon, ils continuent à vénérer Marie Madeleine à la Sainte-Baume et à entretenir leur prieuré en Provence.
Ce sont donc deux traditions différentes mais pas totalement contradictoires qui coexistent durant ces premiers siècles du nouveau millénaire.
Vézelay semble avoir la faveur des foules, d’autant que Rome a reconnu officiellement la présence de Marie-Madeleine en Bourgogne. Pour sa part, Saint-Maximin fait comme si de rien n'était, et continue à revendiquer ces précieuses reliques au nom de l’antériorité.
De fait, le pèlerinage voué au culte de la Madeleine, se fait à cette époque, aussi bien en Bourgogne qu’en Provence. Tout va pour le mieux !
Mais cette situation ne va pas durer ad vitam aeternam …
Peu à peu la classe régnante se met à favoriser la légende provençale, au nom de cette fameuse antériorité. De même, le clergé soucieux de faire la part des choses, émet des doutes sur la version bourguignonne.
Le coup de théâtre n’aura lieu qu’au cours du XIIIe siècle.
On décide alors de faire toute la lumière sur cette affaire, et il est convenu de diligenter une campagne de fouilles afin de vérifier si les restes de Marie-Madeleine sont toujours à Saint Maximin.
Et ce qui devait arriver, arriva : on retrouve en effet les reliques de Marie-Madeleine ! Mais, cerise sur le gâteau, le sarcophage découvert contient, outre des restes humain, une petite lettre (on est en plein James Bond !) qui non seulement authentifie les ossements comme étant ceux de la sainte, mais qui explique qu’à l'approche des Sarrasins, le corps a été caché dans le tombeau de saint Sidoine 1, et que celui de Sidoine a été mis à la place de Marie-Madeleine….
Sacré coup de génie ! D’un seul coup d’un seul on casse la cabane ! On vient de faire une croix sur l’existence des Saintes reliques en Bourgogne puisqu’on vient de les redécouvrir en Provence, et cette fois sans conteste possible, mais en plus on est tout aussi capable de réconforter les moines de Vézelay en leur expliquant tout simplement que Badilon n’a pas ramené les bonnes reliques … Il s’est trompé. Ce sont les ossements de saint Sidoine qui sont à Vézelay !
Ainsi se termine définitivement le chapitre Marie-Madeleine en Bourgogne.
La page est tournée, la Provence récupère une tradition qu’elle n’aurait jamais dû laisser s’échapper, et la dignité des moines bourguignons est sauve, puisqu’ils ignoraient tout de cette imposture.
Mais ce fut le début de la fin de Vézelay !
Il fallait bien retracer l'histoire des abbayes fondées par Girart pour dater les liens qui rattachent la chanson de geste aux fondations et au fondateur.
· Pothières a abrité les tombeaux de Girart, de son épouse Berthe et de leur fils Thierry.
· Vézelay est devenu (pour un temps) le centre du culte de Marie-Madeleine.
Un historien a dit que :
Marie-Madeleine fut le véritable auteur de Girart de Roussillon.
L’origine exacte de la tradition qui situe les ossements de Marie Madeleine à Vézelay reste floue. Néanmoins de nombreux auteurs (dont René Louis) affirment catégoriquement que le comte Girart n’y est pour rien, et que la légende du moine Badilon n’apporta rien de plus.
On sait que le 27 avril 1050, le pape Léon IX accorde une bulle à Geoffroy, abbé de Vézelay, faisant mention pour la 1ère fois du nom de Marie-Madeleine. Dix ans plus tard, le pape Etienne IX, non seulement déclare que « la patronne de Vézelay est bien Marie-Madeleine», mais en plus « que l’abbaye possède son tombeau ». Ben voyons … ! Pourquoi se gêner !
Il faut savoir qu’ à cette époque, la possession de reliques est synonyme de pèlerinage, tourisme, commerce, prospérité, tout ceci allant crescendo avec la notoriété des dites reliques.
C’est pour raison qu’il n’est pas rare de trouver des reliques d’un(e) saint(e) dans plusieurs endroits. Et c’est ainsi que de nouvelles reliques de Sainte Marie-Madeleine furent données à l’église de Vézelay en 1870 et 1876. D'où venaient-elles ?
Et, lien de cause à effet, on a pu constater un renouveau du pèlerinage de la Madeleine.
Comme quoi finalement la notoriété d’une ville ne tient pas à grand’chose …. Quelques os !
Je vais peut-être faire un mail à l’ Association des Maires de France….
Quelques dates pour clore ce chapitre :
1859 : Fin du chantier de restauration menée par Eugène Violet le duc.
1870 et 1876 : De nouvelles reliques de Marie-Madeleine sont données à l'église de Vézelay.
1920 : Le Saint-Siège accorde à l'église de Vézelay le titre de basilique, reconnaissant par là son caractère exceptionnel au sein de l'Église, de la chrétienté et de l'Histoire.
1945-1953 : Retour des moines avec la venue d'une petite équipe de bénédictins de la Pierre-qui-Vire.
1 Sidoine - Pour celles et ceux qui ont « séché » les cours de cathé … :
Sidoine était sur la barque avec Marie-Madeleine, Marthe sa soeur, Lazare son frère 2, Marie Jacobé, Marie Salomé, mère des apôtres Jacques et Jean, et d'autres encore, qui quittèrent Jérusalem à cause des persécutions que les chrétiens subissaient. Ils furent néanmoins capturés par les méchants et jetés dans un bateau sans voile, ni rame, lequel « guidé par les anges », traversa la Méditerranée et s'échoua en Camargue, d’où les Stes Maries de la Mer
2 J’attire votre attention sur cet écrit historique : Marthe est bien la sœur de Lazare. Mais leur sœur ne se prénommait pas Marie-Madeleine. C’était Marie (tout court) de Béthanie, du nom de leur village. On en reparlera dans une autre note, car finalement, qui était cette Marie-Madeleine ?
Suite à la prochaine.
Bises à toutes et à tous.
JM.
dimanche 13 juin 2010
Girart de Roussillon – 5
GIRART, COMTE DE VIENNE
Dit : Girart de Roussillon
De l'histoire à la légende !
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