vendredi 14 janvier 2011

Un petit Chacal très malin

Narrateur : Dans un petit village de l’Inde, un tigre avait dévoré tant de moutons que les villageois décidèrent de s’en débarrasser. Ils le prirent au piège et l’enfermèrent dans une cage pour le vendre à une ménagerie.
Un brahmane passait par là.
Tigre : Oh, frère Brahmane, je meurs de soif, et l’on n’a pas mis d’eau dans ma cage. Ouvre-moi la porte et laisse-moi sortir rien qu’un instant pour aller boire !
Brahmane : Mais si j’ouvre la porte, Frère Tigre, tu es bien capable de me sauter dessus et de me manger !
Tigre : Comment peux-tu croire une chose pareille, Frère Brahmane ! Ouvre-moi juste une petite minute pour chercher une goutte d’eau, je t ‘en supplie !
Narrateur : Le Brahmane ouvrit la porte de la cage. Dès que le tigre fut dehors, il fit mine de sauter sur le Brahmane pour le dévorer.
Brahmane : Mais, Frère Tigre, et ta promesse ? …. Ce n’est pas juste .
Tigre : J’ai faim, je mange, rien n’est plus juste.
Brahmane : Ce n’est pas possible ! Tu ne manqueras pas ainsi à ta parole ! Tout le monde te donnera tort ! Demandons l’avis des sept premiers êtres vivants que nous rencontrerons, veux-tu ?
Tigre : Soit ! Je te suis !
Narrateur : Leur première rencontre fut, sur le bord du chemin, un grand figuier Banian.
Brahmane : Frère Banian, est-il juste que le tigre me mange après que je l’ai fait sortir de sa cage ?
Figuier : Dans la journée, quand le soleil est brûlant, les hommes sont heureux de se reposer dans mon ombre et de se rafraîchir avec mes fruits. Mais quand le soir vient, ils arrachent mes feuilles et cassent mes branches. Les hommes sont des ingrats. Que le tigre mange le brahmane !
Tigre : Bien dit figuier, prépare-toi Brahmane !
Narrateur : Plus loin, ils trouvèrent un vieux buffle couché dans un marécage. Des nuées de mouches le harcelaient, le pauvre n’avait même pas la force de les chasser.
Brahmane : Frère buffle, j’ai délivré ce tigre de sa cage et maintenant comme récompense, il veut me manger. Est-ce juste ?
Buffle : J’ai servi mon maître toute ma vie. J’ai tiré sa charrue, porté ses fardeaux, promené ses enfants sur mon dos. Maintenant que je suis vieux, il refuse de me nourrir. Ce n’est pas moi qui te défendrai : la justice du tigre vaut bien celle des hommes.
Tigre : Décidément tous les avis sont contre toi, Brahmane, je vais te dévorer tout cru !
Brahmane : Non ! Frère Tigre, ce n’est que le second et tu m’en as accordé sept.
Souviens-toi !
Tigre : Très bien, j’y consens, repartons !
Narrateur : Ils continuèrent leur route et bientôt, ils aperçurent un aigle.
Brahmane : Oh ! Frère Aigle, toi qui planes dans les cieux, dis-nous s’il te semble juste que ce tigre veuille me manger après que je l’ai fait sortir de sa cage ?
Narrateur : L’aigle vint se poser sur un rocher et parla d’une voix douce et claire.
Aigle : Moi qui vis dans les nuages, bien loin des hommes et ne leur fait aucun mal, je souffre cependant par eux. Ils me lancent des flèches et viennent jusqu’à mon aire pour tuer mes enfants. Les hommes sont cruels. Que le tigre mange le brahmane !
Tigre : Et de trois, je vais bientôt me régaler !
Brahmane : Patience, Frère Tigre, patience….
Narrateur : Ils arrivèrent au bord du fleuve, le brahmane se pencha sur l’eau et interpelle le fleuve et ses occupants.
Brahmane : Frère fleuve, toi qui traverses notre village depuis la nuit des temps,
trouves-tu juste que le tigre veuille me manger, alors que je venait de le délivrer.
Fleuve : Absolument. Tu sais tous les jours vous utilisez mon eau pour boire et arroser vos récoltes et pour seul remerciement, vous me polluez et jetez vos ordures dans mon lit. Pourtant, nous leur répétons à chaque fois : « Chanson : Ne pollue pas la rivière »
Roseau : Le fleuve a raison car même ici au bord de l’eau, les hommes empoisonnent notre environnement. Que le tigre mange le brahmane !
Tigre : Autant dire que la chance ne te sourit pas, pauvre Brahmane !
Narrateur : Le brahmane s’inquiète. Dans la vase du fleuve somnolait un vieux crocodile.
Brahmane : Frère crocodile, tu es plein de sagesse et d’expérience, sois juge entre nous : j’ai délivré ce tigre d’une cage où il était enfermé et pour toute
récompense, il veut me manger, moi qui suis vieux et faible et sans armes. Lui donneras-tu raison ?
Crocodile : Certainement. Quand j’étais jeune, les hommes me craignaient et me laissaient en paix. Maintenant que l’âge m’alourdit, ils m’attaquent de toutes les façons. Et si je ne fais pas bonne garde auprès de mes œufs, ils les écrasent à coups de pierres. Les hommes sont aussi lâches que cruels. Que le tigre mange le Brahmane !
Tigre : Tiens-toi prêt à passer sous mes crocs, Brahmane !
Brahmane : Encore un, le septième !
Narrateur : Un petit chacal trottait sur la route.
Brahmane : Frère Chacal ! Frère Chacal ! Aie la bonté d’écouter notre histoire et après tu nous donneras ton avis.
Narrateur : Le petit chacal s’assit pour mieux entendre et la brahmane lui raconta l’affaire. Mais Frère Chacal n’avait pas l’air de comprendre.
Chacal : Expliquez-vous clairement, car je me représente mal ce que je n’ai pas vu moi-même.
Brahmane : Trouves-tu juste, que ce tigre veuille me manger, moi qui l’ai fait sortir de sa cage ?
Chacal : De sa cage ? Quelle cage ?
Brahmane : Mais de la cage où il était enfermé. C’est moi qui…
Chacal : Oh ! Oh ! N’allez pas si vite ! Je ne comprends pas. Voyons. Quelle sorte de cage était-ce ?
Brahmane : Une grande cage en bambou, là-bas. Je passais…
Chacal : Oh ! là ! là ! Je n’y comprends rien. Vous feriez mieux de me montrer la chose. Je comprendrait tout de suite !
Narrateur : Ils retournèrent sur leur pas et arrivèrent près de la cage.
Chacal : Voyons un peu. Frère brahmane où étais-tu placé ?
Brahmane : Ici, sur la route.
Chacal : Tigre où étais-tu ?
Tigre : Dans la cage, parbleu ! Attention, je commence à perdre patience !
Chacal : Ne vous énervez surtout pas Monseigneur, j’ai l’intelligence assez lente, je ne peux pas me rendre compte comme cela. Si vous vouliez bien me montrer… comment… dans quelle position vous étiez ?
Tigre : Comme ça imbécile !
Narrateur : Le tigre se glissa dans la cage.
Chacal : Oh ! Merci ! Je commence à comprendre. Mais pourquoi y restiez-vous ?
Tigre : Idiot ! Ne comprends-tu pas que la porte était fermée ?
Chacal : Ah ! la porte était fermée ! Je ne vois pas très bien… Fermée ? Comment était-elle fermée ?
Brahmane : Comme ça !
Narrateur : Et le brahmane pousse la porte.
Chacal : Ah ! très bien ! comme ça … Mais pourquoi le tigre ne pouvait-il pas l‘ouvrir ?
Brahmane : Parce que le verrou était fermé, comme ceci.
Narrateur : Le brahmane poussa le verrou.
Chacal : Ah ! Ah ! Ah ! Il y a un verrou ? Vraiment ? Il y a un verrou ! Et bien Frère Brahmane, maintenant que ce verrou est poussé, je vous conseille de le laisser comme il est. Quant à vous, Seigneur Tigre, bon appétit !
Tigre : Maudit chacal, je te jure que si je parviens à sortir de là d’une autre manière, je me ferai une joie de te dévorer !
Narrateur : Le petit chacal, se tournant vers le brahmane, fit un profond salut.
Chacal : Adieu. Votre chemin va par ici, le mien par là. Bon voyage !
Narrateur : De toutes façons, même si dans cette histoire, il s’avère qu’un animal ait pu agir avec plus de malice que les autres et réussi à sauver le brahmane, les hommes se prendront toujours pour « Les Rois du Monde » !
« Danse : Les Rois du Monde ».

Bonne soirée à tous
Bises
Roger

2 commentaires:

  1. Bravo Roger. Quelle belle métaphore sur la cruauté des hommes. Le petit Chacal, par son côté un peu niais, alors qu'il connaissait parfaitement la finalité de son action a su endormir l'esprit de ses interlocuteurs.
    Je trouve cette histoire très politique !! Pour endormir les concitoyens, il y a des politiques très doués et très rusés...
    Bisous à tous,
    Gégé

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  2. Je trouve cette histoire très vraie, toujours très actuelle ! Mais c'est ainsi, et je pense que nul ne pourra le changer, il y aura toujours des êtres qui sauront profiter des faiblesses des autres ! Bien ? Pas bien ?
    Vaste question ! on peut évidemment en débattre, mais y apporterons-nous une réponse ?
    Il n’en demeure pas moins, que cette histoire du Petit Chacal, comme les autres, valent bien nos fables de la Fontaine !
    Bises.
    JM.

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